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sur Paris qui lui ont été enlevées par des moyens que mon esprit de conciliation me défend de qualifier.

— Par un vol infâme, dit le Madgyar, qui regarda en face tour à tour Reinhold et Abel.

Le chevalier essaya un sourire soumis ; le jeune de Geldberg baissa les yeux.

— Le mot est peut-être bien fort, reprit meinherr Van-Praët, mais il me paraît assez juste… Moi-même, je suis dans un cas tout pareil… et, à part le plaisir de vous voir, je suis venu pour vous demander un million trois cent cinquante mille francs de traites qui m’ont été enlevées par un de vos agents.

— Et moi, dit une voix qui partait du seuil de la chambre voisine, je viens réclamer également trois cent mille francs écus, qu’un autre de vos agents m’a soustraits par une odieuse supercherie.

Tout le monde se retourna. Madame de Laurens s’avançait vers la cheminée à pas lents.

Si le bon Hollandais n’eût point parlé sans relâche depuis deux ou trois minutes, on aurait entendu dans la chambre voisine, depuis le même espace de temps, le bruit étouffé d’une conversation à voix basse.

Le docteur avait ouvert à Petite, au moment où le pied du Madgyar jetait la porte en dedans.

À dater de cet instant, le Portugais avait employé toute son éloquence pour empêcher Sara de pénétrer plus avant ; mais la colère de Sara ne connaissait jamais d’obstacles, et puis elle voulait savoir…

Elle entra dans la chambre du conseil, la joue pâle et les lèvres serrées. Grâce aux rapports quotidiens qu’elle exigeait de Mira, elle connaissait à peu près la situation de la maison vis-à-vis de Van-Praët et du seigneur Georgyi. Elle venait d’entendre les menaces du Madgyar, et, bien qu’elle ignorât la cause précise de ce bruyant courroux, elle en savait assez pour comprendre ce qui allait se dire.

Derrière elle, le docteur Mira venait, esclave et vaincu ; la lutte avait été courte entre lui et Petite, mais elle avait été rude. Sara était trahie, on avait donné son secret à un étranger qui s’en était servi contre elle comme d’une arme.