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mon message, il a voulu me poursuivre… Mais je cours mieux que lui.

— Quel était ce message ? demanda encore Hans.

— Je ne sais lire que dans mon livre d’heures, répliqua Gertraud en rougissant. — La comtesse m’a donné la clef avec une lettre et m’a chargée de remettre le tout à Klaus, le chasseur, qui est, comme vous, un ancien vassal d’Ulrich… Klaus est monté à cheval aussitôt et il n’est point encore de retour.

Hans appuya sa tête sur sa main d’un air pensif.

— Une lettre… murmura-t-il, — et une clef !

— J’ai mal fait de vous parler de cela, Hans, dit Gertraud, car la comtesse m’avait bien recommandé le secret.

— Les secrets de votre maîtresse sont en sûreté au fond de mon cœur, répondit le page, dont le jeune et loyal visage eut un éclair d’enthousiasme : — ses ennemis, si elle en a, pourraient me tuer… mais m’arracher une parole, jamais !

Gertraud prit une de ses mains et la serra entre les siennes.

— Vous êtes bon, dit-elle, — et je vous aime.

Les deux enfants restèrent durant quelques minutes silencieux et serrés l’un contre l’autre.

Gertraud subissait l’effet de sa frayeur, vaguement éveillée. Hans réfléchissait.

La salle était muette. Le vent faisait trêve au dehors. Au lieu de ces lueurs soudaines qu’un fugitif regard de la lune mettait parfois naguère derrière les vitraux, il y avait comme un rayonnement blanchâtre et uniforme.

Hans tourna ses yeux vers les trois hommes assis auprès du vieillard assoupi.

— Plus je réfléchis, dit-il, répondant à sa propre pensée, — plus ces mystères me semblent menaçants.

Gertraud l’écoutait et pâlissait.

— Que craignez-vous donc, ami ? dit-elle.

— Je ne sais, répliqua le page. — Regardez comme le comte Gunther ressemble à un homme qui va mourir…

Gertraud regarda et frissonna.