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motivée : pour l’un, le baron galopait sur la route d’Amsterdam ; pour l’autre, le baron brûlait le pavé dans la direction de Londres. Ce qui est certain encore, c’est que pour nous, le baron, mettant de côté ce double voyage, se promenait à pied dans le passage d’Anjou, derrière l’hôtel de Geldberg.

Et quiconque eût aperçu, entre les collets de son manteau, relevés sans doute à cause du froid piquant de cette matinée d’hiver, son mâle et noble visage, ne l’eût point jugé propre à mêler le triple fil de cette comédie étrange ; cela supposait, en effet, une faculté d’intrigue presque diabolique, et la franchise, peinte sur les beaux traits de Rodach, éloignait jusqu’à la pensée de l’astuce.

Qu’était-ce donc ?…

Le baron patienta encore durant quelques minutes, espérant toujours que le hasard amènerait Klaus à sa rencontre, ou que la charmante figure de Lia se montrerait à l’une des fenêtres ; mais ni Lia ni Klaus ne paraissaient, et les rares passants qui s’engageaient dans la ruelle, commençaient à regarder curieusement.

La moindre circonstance pouvait amener là, d’un instant à l’autre, des personnes que le baron avait intérêt à éviter.

Il s’avança jusqu’au bout du passage et jeta son regard des deux côtés du trottoir. À l’angle des rues d’Astorg et de la Ville-l’Évêque, il aperçut un Auvergnat, assis auprès de ses crochets.

C’était tout ce qu’il lui fallait. Il arracha une page blanche de ses tablettes et se mit à tracer au crayon quelques mots à l’adresse de Klaus.

Tandis qu’il écrivait sur son genou, un grincement léger se fit derrière lui.

Le dernier coup de neuf heures sonnait à l’horloge de l’hôtel.

Rodach se retourna au bruit et vit s’ouvrir doucement une sorte de poterne, percée dans le mur du jardin de Geldberg.

Une figure jaune et ridée, ensevelie sous l’énorme visière en abat-jour d’une casquette de peau, se montra, puis un corps étique, emmitouflé dans une houppelande pelée que recouvrait un manteau court.

Rodach n’eut besoin que d’un coup d’œil pour reconnaître ce vieillard