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— Il me semble que je me noie, murmura le joueur d’orgue, j’étouffe !…

— Il faut… Madame Huffé a été Cosaque… en voilà une qui a eu des malheurs !… quand mes bottes ne seront pas bien cirées, je condamnerai Joséphine à une heure de bataille rangée avec Madame Huffé… ah ! ah ! ah ! mon Dieu ! mon Dieu !… comme on rira !

Polyte avait les larmes aux yeux.

— Ma tête tourne, murmura Jean, et pourtant je n’oublie pas… ils mentent ceux qui disent que le vin fait oublier !… je vois la pauvre mère Regnault sur son grabat… je vois Gertraud qui lève sa main… j’entends le bruit d’un baiser…

Il étreignit convulsivement sa poitrine oppressée.

— Et n’est-ce pas lui que voilà devant nous ? s’écria-t-il avec une violence soudaine ; je le reconnais bien avec son sourire insolent et ses grands cheveux de femme… Ah ! il est bien beau et bien riche ! Gertraud, Gertraud, que Dieu vous pardonne !

Il montra le poing au fantôme que son imagination exaltée voyait dans l’ombre ; puis il voulut se lever dans un état de rage folle, mais il ne put et retomba pesamment sur son tabouret.

Polyte chantait à tue-tête ; François, debout au milieu de la chambre, oscillait sur ses longues jambes et rêvait qu’il dormait.

— Eh bien, vieux Fritz, reprenait Johann, cherchons une petite femme à nous deux… en as-tu quelqu’une en vue ?

— Non, répondit le courrier.

— Voyons, que dirais-tu de la gentille Gertraud, la fille de notre camarade Hans ?…

— Un ange ! murmura Fritz.

— Et un fameux, mon brave !

— Elle est si bonne et si pure !… Ah ! le remords ne pourrait point descendre jusqu’à l’oreiller où reposerait sa tête.

— Ça me paraît évident !… avec ça le père Hans a de l’argent placé pas mal… Il y a plus d’un bon garçon dans le Temple qui songe à la petite… mais si on voulait bien s’en mêler, vois-tu, ce serait toi qui l’aurais.