Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/791

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il me semble, dit Mirelune à Ficelle, que je connais ces deux figures-là.

— Le plus grand est le prétendu de la comtesse Lampion, répondit le vaudevilliste, quant à l’autre…

— Eh, pardieu ! s’écria le gentilhomme ; l’autre est ce bambin que nous avons vu hier au soir prendre une leçon de duel à la salle Grisier… On ne se sera pas fait tuer ce matin !

— C’était lundi-gras, on aura déjeuné…

— Comme un homme, ma parole d’honneur !… il n’y a plus d’enfants !…

— Est-ce que Louise n’est pas ici ? demanda Franz à madame de Saint-Roch.

Louise était, on le sait, le nom d’aventures de madame de Laurens.

— Non, mon petit, répondit la rouge marchande qui avait envie de rire, en songeant au grand monsieur qu’elle avait introduit auprès de Sara.

Franz désigna le confessionnal d’un regard interrogateur.

— Il n’y a personne là-dedans ? demanda-t-il encore.

— Personne, mon mignon.

Franz pirouetta sur ses talons.

— Aimez-vous le trente et quarante, vous, Julien ? reprit-il. Moi, je trouve que c’est souverainement soporifique… faisons un tour au lansquenet.

— Va pour le lansquenet ! dit Julien.

Franz avait ce soir un petit air avantageux et triomphant, qui eût été insupportable chez un autre, mais qui lui allait fort bien. Sa mine éveillée et spirituelle respirait la joie ; tout parlait en lui de bonheur et d’orgueil satisfait.

Il ne pouvait dire son secret à Julien ; il lui fallait cacher soigneusement les événements de cette belle soirée, qu’il aurait eu tant de plaisir à conter. Cette confidence, refoulée, lui laissait au cœur comme un trop plein de bien-être : il avait besoin de se mouvoir, de parler, de vivre.

Quand on est tout jeune, cet état moral se traduit d’ordinaire par un surcroît d’airs tapageurs et de bruyantes étourderies.