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» Par où avait-il pu sortir ?…

» Tout le monde ignorait les évênements de cette nuit étrange. La comtesse elle-même, dont le lourd sommeil, provoqué par les potions du docteur, n’avait pris fin qu’après le meurtre de l’étranger, demanda plusieurs fois ce qu’il était devenu.

» Personne ne sut rendre compte de cette subite et inexplicable disparition.

» Les serviteurs et vassaux de Bluthaupt commencèrent à dire que l’étranger était le diable, appelé au château par les conjurations du Hollandais Van-Praët.

» Une rumeur sourde se répandit dans le pays. Chacun demeura convaincu que le schloss était hanté par Satan.

» Et quand la grossesse de la comtesse Margarethe fut connue, on compta les jours, on calcula, et l’on dit que son enfant serait l’enfant du diable.

» Il y avait pourtant un vieux fauconnier de Bluthaupt, qui est mort maintenant, et qui prétendait avoir reconnu l’étranger, le soir de son arrivée… il disait que c’était un bon gentilhomme des environs du château de Rothe : le baron Stéphan de Rodach, qui avait demandé autrefois la main de Margarethe, et qui avait quitté les environs de Heidelberg après le mariage de notre jeune maîtresse. »

— En effet ?… murmura le page, dont le sourcil se fronça : — j’ai vu souvent ce baron de Rodach au château d’Ulrich… Et voilà bien longtemps qu’il passe pour mort dans le pays…

— Mais personne ne voulut croire le vieux fauconnier, reprit Gertraud. — Depuis neuf mois, les gens de Bluthaupt n’ont pas d’autre sujet d’entretien, et s’ils se sont cachés de vous, Hans, c’est que vous venez du château de Rothe et qu’ils ont deviné votre dévouement pour la noble fille de votre maître.

— Ne l’aiment-ils donc point ? demanda le page.

— Comment ne pas l’aimer ? répliqua Gertraud ; — elle est si bonne et si secourable !… Son doux sourire a tant de grâce et sa parole sait si bien soulager les cœurs souffrants !… Chacun l’aime, chacun plaint sa jeunesse sacrifiée… Mais, depuis cette nuit, il y a autour d’elle comme