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Il y avait déjà trois ou quatre secondes que le silence durait dans le confessionnal ; Rodach restait sous le coup des dernières paroles de Sara, qui l’avaient frappé comme une terrible menace.

Il avait la tête penchée et semblait méditer ; Sara s’appuyait toujours contre lui ; la lumière faible qui pénétrait dans la loge, à travers les draperies, effaçait sur le visage de Petite les imperceptibles traces que l’âge y pouvait avoir laissées ; on eût cru voir une jeune fille dans toute la fleur de la première beauté.

Elle s’abandonnait, molle et confiante ; sa pose avait une indicible grâce ; son regard voilé parlait de tendresse et son sourire enchantait.

Elle passait ses doigts effilés et blancs dans les boucles brunes de la chevelure de Rodach.

Il fallait avoir entendu pour croire ! Et à voir ce front angélique, où tant de douceur calme souriait, on pouvait presque douter encore après avoir entendu…

Cette femme qui venait de parler de meurtre, la gaieté aux lèvres, ressemblait à une sainte.

— Que vous êtes beau, mon Albert ! reprit-elle après quelques secondes, en donnant à sa voix une expression plus caressante, et que je suis folle de vouloir mettre à prix le sentiment qui m’entraîne vers vous !… Quoi que vous fassiez, ne faudra-t-il pas que je vous aime !

Rodach avait les yeux baissés ; il tardait à répondre.

— Et pourtant, reprit Sara, quelle confiance j’aurais en votre bras, Albert !… Vous êtes si brave !… à Bade vous aviez réduit au silence les plus entêtés spadassins !

Elle s’interrompit pour prendre la main du baron et la serrer entre les siennes. Puis, elle poursuivit avec un soupir tentateur :

— Je vous aimerais trop après cela !

— Vous le détestez donc bien ?… murmura Rodach.

Petite se redressa, et mit ses blanches épaules contre le dossier de son fauteuil. Sa voix et sa physionomie changèrent.

— Mon Dieu, cher, dit-elle d’un ton leste et dégagé, vous avez tort de croire cela… Je ne hais personne… mais, ajouta-t-elle plus bas, il y a des gens qui me gênent…