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faut vous souvenir, Monsieur, que la passion seule peut servir d’excuse à l’homme qui pénètre certains secrets…

Rodach ne répondit point encore.

— Monsieur ! Monsieur ! reprit Sara dont l’œil eut une lueur haineuse, prenez garde !… Jusqu’à présent, tous ceux qui m’ont attaquée ont eu lieu de s’en repentir !

— Je le sais, murmura le baron qui la regarda fixement ; mais pas tant que ceux qui vous ont aimée…

Sara tressaillit. Sa bouche s’ouvrit, tremblante et contractée. Elle demeura muette.

Ses yeux étaient cloués au sol.

Le baron la regarda un instant encore d’un air dédaigneux et froid. Puis il fit effort sur lui-même comme si le rôle qu’il s’imposait eût répugné puissamment à sa fierté.

Il prit la main de Sara et la toucha de ses lèvres.

— Oh ! oui ! poursuivit-il en donnant à sa voix un subit accent de douleur, ceux qui vous aiment souffrent, Madame… et je sais un homme qui paierait bien cher la chance de ne vous avoir point connue.

Rodach en savait plus d’un, et malgré lui sa parole se teignait d’amertume, parce qu’il songeait à son entretien avec le docteur José Mira.

Le docteur lui avait dit bien des choses.

— Et quel est donc cet homme ? demanda Petite sans lever les yeux.

— Vous le devinez, Madame, répliqua le baron, puisque vous me voyez venu d’Allemagne pour vous retrouver…

Petite eut besoin de toute sa force pour ne point laisser échapper son triomphe. Son cœur bondissait ; sa détresse se changeait pour elle en victoire. Encore un esclave !

Car elle ne doutait point ; elle était si bien faite à ètre adorée !

— Écoutez-moi, Sara, reprit M. de Rodach avec lenteur, le jour approche où vous saurez tout ce qu’il y a au fond de mon âme… Vous saurez qui m’a mis à même de pénétrer votre secret…

— Pourquoi pas ce soir, demanda madame de Laurens.

— Parce que ce soir je veux vous parler de moi… de vous et de moi seulement… Tous vos secrets sont à moi, Madame, hormis un