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tume de majo qui accompagnait si bien les allures spirituelles, alertes et fanfaronnes de son ancien amant.

Quelques heures avaient changé tout cela ; ce soir à l’hôtel de Geldberg, Albert s’était enveloppé déjà d’un sévère manteau de froideur. Maintenant, cette froideur semblait augmenter encore, et Sara croyait voir de l’amertume dans l’austère sourire qui était sur la lèvre du baron.

Un instant, elle eut envie de recourir à l’arme éprouvée de sa coquetterie ; puis l’idée lui vint d’opposer roideur à roideur et de se draper dans son orgueil. Elle était experte à toute lutte, et savait comme on met les hommes à genoux.

Mais un secret instinct lui ôtait ici sa vaillance. Elle n’osait plus. Rodach, maître d’une si grande part de son secret, lui semblait trop fort et trop redoutable pour qu’on put l’attaquera l’étourdie.

— Mon Dieu que je suis folle de me creuser la tête ainsi ! dit-elle tout à coup en se forçant à rire ; ce n’est pas en effet pour moi seule que vous venez, Albert… ma sœur qui vous connaît presque aussi bien que moi m’a donné d’avance le mot de l’énigme… vous êtes joueur.

Rodach garda le silence.

— Eh bien ! reprit Sara gaiement, c’est un lien sympathique de plus entre nous deux… mais pourquoi m’aviez-vous caché cela ?

— Chère dame, répliqua Rodach, vous m’aviez caché, vous, tant de choses !…

Les sourcils de Petite se froncèrent légèrement.

— C’est décidément une guerre que vous me faites, Monsieur, murmura-t-elle. Après une si longue absence, vous n’avez pour moi que des paroles de reproches… et vous venez me glacer le cœur, quand il vous faudrait faire si peu pour me rendre la plus heureuse des femmes.

En prononçant ces dernières paroles, la voix de Petite devint douce et comme imprégnée de prières ; son regard glissa, pénétrant et subtil, entre ses paupières demi-closes.

Le baron ne parut point s’émouvoir.

Petite laissa échapper un geste de colère.

— Au demeurant, s’écria-t-elle, si vous ne m’aimez plus, pourquoi cette poursuite acharnée ?… Depuis hier, je vous trouve partout… Il