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Lia était belle comme un ange et son cœur ressemblait à son visage…

Pauvre Judith ! c’était pour elle encore que madame de Laurens détestait Lia.

Pour elle, qui souffrait si doucement et à qui sa torture n’avait pu enseigner la haine !

Après Lia, Esther. Esther était comtesse ; elle était veuve, elle n’avait que vingt-cinq ans : Sara l’enviait pour toutes ces choses. Et puis, il y avait l’instinct de propagande, qui entre au cœur en même temps que le vice lui-même.

L’éducation d’Esther était commencée ; Sara ne la voulait point laisser à moitié route.

Esther avait une part dans sa rêverie, le docteur aussi, et tout le monde et toutes choses…

Au moment où elle poussait son premier enjeu sur le tapis, à l’aide de son petit râteau d’ivoire, elle arrivait à penser à ce baron Albert de Rodach qu’elle avait rencontré d’une façon si étrange à l’hôtel de Geldberg.

Depuis la veille, elle l’avait trouvé à trois reprises sur son chemin. Au Temple d’abord, puis au bal de l’Opéra-Comique, puis à l’hôtel. Il connaissait Esther ; Sara en était à se demander qui lui avait enseigné la route de l’hôtel de Geldberg, lorsque sa main, qui sortait du guichet à son insu, ressentit le contact d’une autre main.

Elle s’éveilla en sursaut et regarda vivement autour d’elle. À gauche du confessionnal, il y avait un homme debout et le bras tendu encore. Sara l’examina au travers des rideaux, et reconnut le baron de Rodach.

Elle eut un véritable mouvement d’effroi.

— Encore lui !… murmura t-elle.