Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/762

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je devine votre lettre d’après la mienne… On compte sur vous, n’est-ce pas, pour donner à la chose quelque gaieté ?

— Mais, oui, répondit Mirelune, pour mettre de l’entrain dans tout cela.

— Pour animer la fête…

— Pour chauffer…

— Pour dire et faire des folies…

— Enfin, pour amuser tout ce monde d’argent !

Les deux amis se regardèrent, et il y eut un incommensurable bâillement échangé entre eux.

Les renommées parisiennes sont ainsi faites. Personne ne baille plus largement qu’un de ces gaillards, réputés joyeux par excellence. L’arbre qu’on cite, l’arbre qu’on célèbre pour sa floraison prématurée, le fameux marronnier du 20 mars, aux Tuileries, ouvre à peine ses bourgeons illustres que déjà ses obscurs voisins sont en pleine fleur !

— Et avez-vous une idée ? reprit Mirelune.

— J’en ai soixante !

— Diable… il faudra nous entendre, si vous voulez ; moi, je n’en ai pas encore.

— Nous mêlerons, dit Ficelle avec magnanimité ; d’abord, il faudra un théâtre…

— Évidemment… et une troupe !

Ficelle haussa les épaules d’un air de supériorité profonde.

— Il s’agit d’amuser ces gens-là, répliqua-t-il, les petites banquiéres et les petites baronnes aimeront bien mieux jouer elles-mêmes que d’écouter des artistes de Paris… Mettons qu’il y ait dix actrices et dix acteurs improvisés… cela fera déjà vingt heureux !

Mirelune ne paraissait pas convaincu.

— Pensez donc ! reprit Ficelle, quelle occasion à plumes, à fleurs, à diamants !… et puis les jeunes premiers qui auront des pantalons collants et des souliers à la poulaine !…

— C’est vrai pourtant ! murmura Mirelune, ceux-là s’amuseront, mais les autres ?

— Mettons que les autres soient six cents… Il y aura d’une part vingt