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Dans cette pièce se tenait madame la baronne de Saint-Roch et son ministre responsable, M. de Navarin, ancien officier supérieur.

Les trois premières pièces étaient meublées assez simplement ; celle-ci était presque nue. À ne voir que les murailles, on eût dit une salle de billard. Il n’y avait en effet aux lambris ni tableaux ni gravures, mais seulement deux de ces cadres en palissandre que l’on voit dans tous les cafés, et un râtelier contenant deux douzaines de queues munies de leurs procédés. L’un de ces cadres présentait ces trois chapelets de petites billes enfilées qui servent à marquer les points ; l’autre renfermait le code du jeu de billard.

Le billard seul manquait.

À part ces cadres dont la destination ne se devinait point au premier abord, deux autres particularités empêchaient cette chambre de ressembler exactement aux salles de trente et quarante des anciens jeux publics.

C’était d’abord un énorme châssis sur lequel se tendait un drap vert et uni et qui était planté contre la muraille, derrière le banquier. À droite et à gauche de ce châssis, deux laquais de vigoureuse apparence se tenaient debout et immobiles.

C’était ensuite une sorte de boite grillée qui rompait disgracieusement la symétrie de la pièce. Elle figurait une véritable loge pouvant contenir trois ou quatre personnes à l’intérieur, et fermée complètement par des rideaux de soie.

Elle tenait d’un côté à la muraille, qui sans doute était percée pour lui donner une issue à l’extérieur, et de l’autre à la table de trente et quarante, dont elle n’occupait pas exactement le centre.

Madame la baronne de Saint-Roch s’asseyait toujours entre la loge et Navarin le banquier, qui tenait le milieu de la table.

Les joueurs étaient accoutumés à voir madame la baronne coller son oreille aux rideaux de soie de temps en temps, afin de recueillir des paroles que nul n’entendait excepté elle.

On n’apercevait à la boîte grillée d’autre ouverture qu’une sorte de guichet en forme de petite fenêtre qui s’ouvrait sur la table même, et par où passaient de blanches mains, éparpillant sur les diverses chances de l’or et des billets de banque.