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Gertraud seule l’entendit ; elle releva vivement la tête et se mit à écouter. Le bruit partait de l’angle de la pièce qui touchait à la cloison de la chambre d’entrée et où se trouvait le lit de Hans Dorn.

C’était un grincement sourd et continu, qui semblait partir de la ruelle du lit. On eût dit qu’un invisible ouvrier minait le mur extérieur.

Gertraud écoula un instant, inquiète ; puis, comme l’entretien des deux amants attirait de nouveau son attention, elle se dit que dans le Temple il y a bien des métiers divers. Le bruit venait sans doute de la maison voisine…

— Je ne sais, reprit Denise, qui secouait lentement sa jolie tête, et si je voulais vous parler, Franz, c’était pour savoir… ce que je vous ai dit hier est la vérité, je vous aime… mais pouvons-nous espérer ?

La figure de Franz rayonna.

— Hier, répliqua-t-il, au milieu de ma joie, cette question m’eût rendu bien malheureux, car je n’aurais pas pu y répondre… Mais aujourd’hui, mademoiselle, si vous saviez comme tout est changé !… Si vous saviez ce que l’avenir semble me promettre… Mais c’est une longue histoire…

— Et j’ai bien peu de temps, interrompit Denise.

— Notre bonne Gertraud sait tout, poursuivit Franz ; je lui ai conté mon secret ; elle pourra vous le dire.

— Gertraud et vous, demanda mademoiselle d’Audemer, en adressant à la fille de Hans Dorn un regard amical, vous êtes donc de vieilles connaissances ?

— Oh ! oui… commença Franz étourdiment.

Puis il s’arrêta, déconcerté, parce que la gentille brodeuse partait d’un franc éclat de rire.

— Oh ! oui, répéta-t-elle ; ce n’est pas par semaines… ni par mois… ni par années que se compte notre connaissance !

— Et je ne le savais pas ! interrompit Denise.

— Ni moi non plus ! s’écria Gerlraud ; ni monsieur Franz non plus, je le promets bien… Nous nous sommes vus hier pour la première fois.

Franz était rouge comme une cerise ; il n’avait point cru mentir, tant Gertraud lui paraissait une ancienne et fidèle amie.