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nances mondaines, la jeune fille timide n’éprouvait aucun symptôme d’embarras. Elle était tout entière à son contentement, tandis que Franz, le page hardi, perdait la tête à force d’être déconcerté.

Et à mesure que le silence continuait, sa puérile angoisse lui serrait davantage le cœur.

— Mademoiselle, balbutia-t-il enfin, en ouvrant ses paupières à demi, rien de ce que vous pourrez me dire n’égalera les reproches de ma conscience, je suis un fou ! par pitié ne me regardez pas comme un lâche !…

Gertraud écoutait et tâchait de ne point rire, ce à quoi l’aidait la mine profondément désolée du pauvre Franz.

Quant à mademoiselle d’Audemer, on eût dit qu’elle n’avait pas entendu.

Elle avait toujours la main de Franz entre les siennes ; elle le parcourait de la tête aux pieds d’un regard charmé.

— Franz, dit-elle enfin à voix basse et en laissant ses yeux exprimer toute la profondeur de son émotion, je suis bien heureuse de vous revoir !

Il y avait tant d’amour dans ces simples paroles, que la honte de Franz s’évanouit comme par enchantement, il ne songea plus à son crime imaginaire et se réhabilita lui-même au fond de l’âme.

Il releva enfin les yeux sur Denise et toucha de ses lèvres la douce main de la jeune fille.

Denise souriait ; ils étaient tout près l’un de l’autre et leurs regards heureux se parlaient.

Gertraud, sans savoir pourquoi, se sentit rougir. Par un mouvement irréfléchi, elle traversa la chambre d’un pas furtif, et voulut se retirer dans la pièce d’entrée.

Franz, sans savoir aussi, peut-être, la suivait de l’œil et s’applaudissait.

Mais au moment où la petite brodeuse allait franchir le seuil, Denise se retourna vers elle.

— Reste, ma bonne Gertraud, dit-elle de sa voix tranquille et douce ; tu n’es pas de trop entre nous deux.