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Elle offrit une chaise à Denise, qui s’assit.

Franz, qui était toujours derrière la porte, avait reconnu d’un coup d’œil mademoiselle d’Audemer. Son premier mouvement avait été tout entier à la surprise, puis la joie était venue, puis l’impatience. Il y avait deux ou trois secondes à peine que Denise était entrée, et déjà les doigts de Franz le démangeaient ; il sentait grandir en lui l’irrésistible envie d’ouvrir cette porte qui le séparait seule de mademoiselle d’Audemer.

Il ne la voyait plus. Après avoir passé le seuil, Denise avait quitté la ligne droite tirée d’une porte à l’autre, et c’était seulement dans cette ligne que le trou étroit de la serrure donnait accès au regard.

Il y avait bien la ressource de mettre l’oreille à la place de l’œil et d’écouter, mais c’était une bonne porte que celle de Hans Dorn, et les deux jeunes filles parlaient sans doute à voix basse. Du moins le pauvre Franz n’entendait rien du tout.

Tandis qu’il maugréait contre son malheur, Gertraud avait pris place auprès de sa compagne. Elles causaient.

— L’as-tu vu ? demandait mademoiselle d’Audemer.

— Je l’ai vu, répondit Gertraud.

— Eh bien ?

Au lieu de répliquer, Gertraud jeta un regard furtif vers la porte de son père. Des idées nouvelles venaient de surgir dans son esprit. Elle n’osait plus. Cette entrevue, si joyeusement préparée, lui faisait peur maintenant.

Elle s’étonnait de n’avoir pas eu ces scrupules d’avance. Comment Denise allait-elle accueillir son audace et de quelle façon lui annoncer la présence de Franz ?

Quant à pouvoir la cacher, Gertraud ne l’espérait point. Elle devinait la position du jeune homme, comme si elle eût été auprès de lui en ce moment. Elle devinait jusqu’à sa physionomie, où l’impatience menaçante grandissait de seconde en seconde.

Il se taisait encore ; on ne l’entendait point remuer ; mais il allait parler bientôt sans doute ; il allait s’agiter à tout le moins et attirer de quelque manière l’attention de Denise.

Et si Denise allait se fâcher ! Gertraud s’accusait, la pauvre fille ; elle se repentait amèrement.