Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/710

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Elle ne m’écoutait pas. Je m’approchai d’elle bien doucement, et je m’assis sur un coin de chaise, à ses côtés.

» Et je repris tout bas :

» — Ne voulez-vous point m’en tendre, ma chère demoiselle Denise ?… je voudrais tant vous consoler et vous voir joyeuse.

» — Joyeuse ! répéta-t-elle ; oh ! ma pauvre Gertraud !… si tu savais !

» Elle me regarda en disant cela, et ses mains cessèrent de couvrir son visage… On eût dit que des années de chagrin avaient pesé sur son front. Moi qui l’avais vue, la veille, si joyeuse et si belle, je ne la reconnaissais plus… Oh ! monsieur Franz, il faut l’aimer bien et l’aimer toujours… »

Franz prit la main de Gertraud et la mit sur son cœur qui sautait dans sa poitrine. — La jeune fille sourit.

— Je ne savais comment faire, poursuivit-elle, car il y avait une vieille domestique qui allait et venait dans la chambre voisine… pourtant je ne pouvais la laisser souffrir ainsi.

» Je pris sa main qui était toute froide et que je réchauffai entre les miennes.

» Je sais pourquoi vous pleurez, dis-je ; — il devait se battre en duel ce matin.

» Sa prunelle morne s’anima pour exprimer de l’étonnement.

» — De qui parlez-vous, Gertraud ? murmura-t-elle.

» Je me penchai sur sa main et je la baisai longtemps pour ne point l’embarrasser de mon regard, au moment où elle allait rougir…

» Je pris mon grand courage et je répondis :

» — Je parle de M. Franz.

» Sa main trembla légèrement dans la mienne ; je me gardai de relever les yeux.

» Je sentis qu’elle s’inclinait vers moi. Son bras libre entoura mon cou ; elle m’attira jusque sur son sein qui battait comme bat votre cœur…

» — Gertraud, Gertraud ! murmura-t-elle, nous étions amies dans notre enfance, et je vous ai toujours gardé mon affection…

» Elle s’arrêta ; je crus l’avoir offensée.