Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour lui autrefois. Il n’avait plus aucun moyen d’approcher mademoiselle d’Audemer. La veille, dans ce moment solennel où il se croyait sûr de mourir, il avait été obligé, pour lui adresser un dernier adieu, de prendre un de ces moyens romanesques qui n’aboutissent à rien d’ordinaire, sinon à compromettre la femme aimée. Sans cette circonstance du duel, Franz n’aurait jamais essayé de cette voie téméraire où tout le danger était pour Denise. Il était entreprenant ; mais malgré l’étourderie de son âge et de son caractère, il avait la délicatesse des belles âmes : il eût reculé toujours devant une tentative périlleuse pour celle qu’il aimait.

Maintenant Denise lui avait donné des droits. Il gardait comme un trésor, tout au fond de son cœur, l’aveu cher de la jeune fille.

Mais entre elle et lui, les mômes obstacles subsistaient toujours. La porte de madame la vicomtesse d’Audemer était fermée pour Franz, aujourd’hui aussi bien que la veille. Il n’avait aucun moyen de voir Denise, et cette entrevue si charmante devant la porte de l’hôtel, et ce baiser accordé, dont le souvenir le faisait frissonner d’aise, tout cela semblait devoir aboutir à la peine d’une longue séparation, d’une séparation qui pouvait n’avoir point de terme.

Si Franz n’avait pas rencontré la petite Gertraud, dont le gai sourire lui était comme un augure de bonheur, il eût douté de l’avenir.

Sa situation avait bien changé depuis la veille : il le croyait du moins ; son cœur était plein d’espoirs fougueux et presque insensés. Il rêvait pour lui, pauvre orphelin, ignorant jusqu’au nom de son père, la noblesse et la fortune, il se voyait sur le point de percer l’obscur secret qui environnait sa vie.

Mais ce n’étaient que des espoirs, et en attendant, il aimait Denise avec passion. L’idée de ne plus la voir le navrait. Maintenant qu’elle lui avait montré le fond de son cœur, il ne pouvait se faire à l’idée d’être séparé d’elle.

C’était Gertraud qui devait le tirer de cette peine. Il ne l’avait vue que deux fois encore, mais les circonstances que Franz appelait un hasard avaient serré leur liaison d’une manière imprévue. Sans chercher à sonder la source de ce sentiment, Franz comptait sur Gertraud comme sur une vieille amie. Il n’expliquait point la confiance qu’il avait en elle ; il