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— Vous n’avez pas prononcé mon nom, au moins ?

— Du tout !… pourquoi faire ?

— Bien vrai ?

— Foi d’honnête homme !

Le chevalier respira librement pour la première fois depuis deux heures.

Il monta, sans le secours de Johann, l’escalier tournant qui conduisait à l’appartement de ce dernier.

Quand il eut quitté sa blouse et sa casquette pour revêtir son costume fashionable, il ne lui restait presque plus de traces d’émotion.

Tout glissait sur cette nature versatile.

Le chevalier était comme les enfants qui pleurent à chaudes larmes et qui rient de tout cœur avant que leurs yeux soient séchés.

— L’Amour ! murmura-t-il avec un commencement de sourire, — l’idée n’était pas mauvaise, ma parole d’honneur, et ces coquins-là ne manquent pas absolument d’esprit !

Il ôta son bandeau et arrangea sa perruque devant la glace.

— Malgré tout, reprit-il, je crois m’être conduit là-bas avec assez de fermeté… Il y a bien des gens qui auraient été effrayés de ce que je viens de voir… Mon Dieu ! je puis bien vous le dire, Johann, je n’ai pas eu peur.

— Cela se voyait, monsieur le chevalier.

Reinhold refit le nœud de sa cravate et donna le dernier coup à sa coiffure.

— Eh bien, reprit-il, je ne suis pas trop mécontent de ma soirée… Tout cela marche… et cette fois-ci, ce sera bien le diable, si le petit coquin nous échappe encore… Bonsoir, Johann… Je vais aller faire un bout de cour à la mère de ma prétendue… Continuez à vous occuper de l’affaire, et s’il y a quelque chose de nouveau, vous viendrez à l’hôtel demain matin.

Le chevalier regagna son équipage, qui l’attendait toujours devant Sainte-Élisabeth.

Il eut la jouissance de se dire, en voyant son cocher et son laquais transis de froid :