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— L’Amour, rangez-vous ! cria de loin la petite Bouton-d’Or.

Fritz, en ce moment, releva la tête, pour reconnaître l’obstacle qui lui barrait le chemin.

À la vue de Reinhold, son corps se rejeta brusquement en arrière, tandis que ses bras s’avançaient comme pour repousser une effrayante vision.

— Ils vont se battre, dit une voix dans la foule.

— Ils vont boxer !

— Grand combat de la Chopine contre l’Amour ! s’écria Bouton-d’Or, en applaudissant des pieds et des mains, par avance.

— Tâchez voir… commença madame veuve Taburot.

Mais sa voix fut couverte par le tumulte renaissant.

Joueurs, buveurs et danseurs avaient quitté de nouveau leurs places pour voir de près cette lutte annoncée, et qui promettait assurément un curieux spectacle.

On faisait cercle, les dames au premier rang.

Fritz et le chevalier, ainsi posés en face l’un de l’autre, avaient l’air de deux champions qui vont en venir aux mains ; mais à les considérer de près, on voyait sur leurs visages une terreur égale et poussée des deux côtés jusqu’à l’angoisse.

Les paupières du chevalier s’abaissaient pesantes et clouaient son regard au sol ; Fritz, au contraire, avaient les yeux grands ouverts, et ses prunelles dilatées semblaient vouloir sauter hors de leurs orbites.

Il regardait Reinhold ; son front se ridait : ses lèvres remuaient convulsivement ; ses cheveux se hérissaient sur son crâne.

— Faut-il l’emmener ? demanda Mâlou à Johann.

— Tout à l’heure, répondit froidement le marchand de vins.

Mâlou se retourna vers Pitois.

— Attention au portefeuille !… murmura-t-il.

— Ça va être dur ! disait-on cependant parmi la foule.

— On va rire…

— Dix jacques (sous) pour l’Amour ! proposa Bouton-d’Or.

— Tenus pour la Chopine ! riposta la duchesse.

Fritz jeta tout autour de lui son regard effaré.