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Johann cligna encore de l’œil.

— Alors, ajouta Bonnet-Vert, mettons cinq mille, pour arrondir la somme.

— C’est chaud ! dit Johann, qui ne voulait pas déserter ostensiblement son rôle.

— C’est comme ça !… répliquèrent les deux bandits en faisant au marchand de vins un petit signe qui voulait dire : Honnête Johann vous aurez votre commission là-dessus.

Celui-ci ne pouvait pas céder tout de suite ; il discuta, pour la forme, durant quelques instants encore ; puis il se tut de l’air d’un homme fatigué de combattre.

— En définitive, mes petits camaros, conclut-il, — je ne suis pas le maître… Si le dâb veut vous donner cinq mille points à chacun, ça le regarde.

Le dâb ne demandait qu’à s’en aller : il eût donné la somme rien que pour se trouver porté par magie ou autrement sur les coussins de son équipage.

Il fit un geste affirmatif.

Mâlou et Pitois saisirent chacun une de ses mains.

— Marché conclu ! s’écrièrent-ils.

— Ah ! ah ! vieux Johann, ajouta Bonnet-Vert ; le dâb n’est pas si dur que vous de moitié. Ça n’est pas bien d’avoir voulu faire l’arcasien (le malin), avec de bons camarades !…

— J’étais chargé des intérêts de monsieur, répondit modestement le marchand de vins, — et vous savez bien que je ne suis pas homme à laisser de côté mon devoir !

— Ça, c’est vrai, s’écrièrent à la fois les deux voleurs.

Reinhold continuait de faire la plus triste figure du monde. Sa mésaventure l’avait littéralement aplati. Ce lieu lui semblait tout plein de périls fantastiques ; il était dans la position d’un homme qui se sentirait en équilibre au-dessus d’un précipice, et qui n’oserait ni regarder ni bouger.

La discussion calme qui venait d’avoir lieu à ses côtés n’avait point diminué son trouble, parce qu’il entendait toujours derrière lui ce rail-