Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/652

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces dames sont très-bien mises et très-distinguées, ce qui ne les empêche pas de s’enivrer le soir avec de l’eau-de-vie ; de temps en temps, les journaux en citent une ou deux qui se font arrêter, mais c’est rare ; elles sont adroites, prudentes, exercées, et l’habileté de leurs mains met chaque année un fort long article au chapitre des profits et pertes des magasins de nouveautés.

Il faut reconnaître, néanmoins, que les véritables artistes en ce genre, les virtuoses, ne fréquentent point l’obscur cabaret de la place de la Rotonde. Le choix de cette profession aimable indique assurément une certaine distinction de goûts et de manières. La plupart des dames qui la pratiquent aiment à se faire comtesses de quelque chose et à voir le beau monde.

On en a vu donner des bals et patronner des œuvres de bienfaisance. Avec un peu de bonheur, elles peuvent mourir très-vieilles, dans de très-bons lits, entourées d’une famille très-honnête…

Le commerce de vins des Quatre Fils Aymon n’avait pas du tout la même physionomie que les autres cabarets des alentours du Temple. Pour y parvenir, il fallait traverser d’abord l’allée noire, puis une cour fangeuse où s’élevaient deux berceaux en treillage de bois vermoulu.

C’était le jardin.

Il avait pour ombrage, en toute saison, un petit cyprès jaune, mort depuis des années, et un pot de basilic, servant aux préparations culinaires de madame veuve Taburot.

En sortant du jardin, on descendait trois marches et on entrait dans une grande salle, basse d’étage, où se trouvait un billard à blouses, au tapis noirâtre et gras.

Cette salle avait pour ornement trois tableaux, contenant des inscriptions entourées de force parafes.

L’une de ces inscriptions portait : On ne fume pas ici, quand il y a des dames.

La seconde : On joue la poule.

La troisième était un code manuscrit des règles du billard.

À gauche de cette pièce d’entrée, se trouvait une longue salle, située également au-dessous du sol de la cour. C’était là que se tenait madame