ple ; puis il mit sa bouche tout contre l’oreille du marchand de vins et reprit la parole à voix basse.
Il parla durant deux ou trois minutes sans s’arrêter.
Quand il eut achevé, Johann baissa la tête d’un air d’hésitation.
— Me comprenez-vous ? demanda le chevalier.
— C’est assez clair comme ça ! répliqua Johann.
— Eh bien ?
— Eh bien !… il y a des juges en Allemagne comme en France… et je n’ai qu’une tête entre mes deux épaules, monsieur le chevalier.
— Laissez donc ! reprit Reinhold, vous connaissez le pays mieux que moi, et vous savez très-bien…
— Il y a des ressources, c’est la vérité… mais, voyez-vous, malgré mes cinquante-sept ans, je n’ai pas encore envie de m’en aller dans l’autre monde.
— Qui parle de cela ?
— Les faits… On a vu de ces histoires finir très-mal, vous savez bien… et je crois qu’il vaut mieux mettre de côté sou à sou quelques années encore, que de risquer un coup si chanceux.
Le chevalier ne savait trop si Johann marchandait ou refusait ; il le considérait attentivement et tâchait de son mieux à lire la vérité sur sa physionomie ; mais la physionomie triste et sèche de l’ancien écuyer de Bluthaupt était un livre fermé.
Johann restait maintenant froid et silencieux. Le chevalier commençait à désespérer.
— Allez vous donc me refuser ? demanda-t-il enfin.
— Ma foi, monsieur le chevalier, répliqua Johann, ça me fait cet effet-là… Encore si vous disiez ce que vous comptez donner !…
Reinhold se frappa le front en éclatant de rire.
— Ami Johann, dit-il, vous êtes le seul Allemand d’esprit que j’aie rencontré !… Sans vous, j’allais oublier le principal !… Vous devez bien avoir, n’est-ce pas, une cinquantaine de mille francs placés quelque part ?
— À peu près.
— Eh bien ! cette affaire-là vous complétera les mille écus de rentes…