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— De moi ! s’écria Johann. Allons donc !… ils me croient entiché comme eux de la mémoire de Bluthaupt… S’ils ne m’ont rien dit, c’est qu’ils n’en savent pas plus long que moi.

— Tant mieux !

— Mais comment avez-vous appris vous-même ?…

— Ceci est une autre affaire, et l’histoire serait longue. L’important, c’est que nous l’avons appris et qu’il ne nous reste aucun doute à cet égard… Il y a plus : comme la diligence est la mère de toutes les vertus, nous avons manœuvré sans perdre de temps et joué une première partie.

— Et vous l’avez perdue ?

— Nous avions beau jeu ! dit le chevalier avec un accent de regret ; — mais la chance était contre nous… Le petit homme se porte fort bien ; et nous en restons pour nos peines.

Johann releva son regard sur le chevalier et fit un geste significatif.

— Fi donc ! s’écria Reinhold répondant à ce geste. — Vous autres bonnes gens, vous ne rêvez que coups de couteau… C’est trop dangereux, ami Johann, je n’en use pas.

— Quand on veut en finir… voulut dire le marchand de vin.

— Quand on veut entrer, interrompit Reinhold, il n’est pas absolument nécessaire d’enfoncer la porte ! J’avais trouvé mieux que cela… un bon petit duel avec un maître d’armes.

— Tonnerre ! dit Johann, suffoqué d’admiration ; — c’était pourtant fameux !

— Pas trop mauvais !… mais l’homme propose et le diable dispose… La partie est remise, il s’agit de jouer mieux.

Ils étaient à l’embouchure de la rue du Puits, à quelques pas seulement des baraques du Temple, sous lesquelles régnaient le silence et les ténèbres. Le chevalier jeta une seconde fois son regard dans la nuit ; les trottoirs étaient déserts ; rien ne s’agitait dans l’ombre du marché vide.

Par excès de précaution, il attira Johann au centre du pavé, à égale distance des maisons de la rue du Petit-Thouars et des baraques du Tem-