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Nous entrons dans une grande chambre où règne une obscurité complète ; on entend la respiration égale et bruyante de gens qui dorment paisiblement.

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Une bougie s’alluma de l’autre côté de la cour, et une lueur glissa dans la chambre muette.

Les ténèbres s’éclairèrent vaguement.

On eût pu voir de grands manteaux de voyage jetés à terre, des bottes éperonnées, des armes, et sur la tablette de la cheminée, deux ou trois poignées d’or.

À l’autre bout de la pièce, trois lits jumeaux s’alignaient contre la muraille. Dans chacun de ces lits, il y avait un homme qui dormait.

La pendule sonna neuf heures. Au chevet de l’un des lits, il y avait une montre à réveil, qui se prit à carillonner.

Un des dormeurs s’éveilla en sursaut, et se mit sur son séant.

— Déjà, murmura-t-il ; — après trois nuits de fatigue, deux heures de sommeil sont bientôt passées !…

Il se frotta les yeux et tira ses membres lassés.

Les deux autres dormeurs, éveillés à demi, s’agitaient sous leurs couvertures.

— Mais nos heures sont comptées, reprit le premier ; — je dois agir dès ce soir ; et, avant de sortir, il faut que je les prévienne…

— Frères ! ajouta-t-il en élevant la voix.

Il n’eut pas besoin de répéter son appel, ses deux compagnons étaient déjà sur leur séant, ce frottant les yeux à outrance et maugréant de leur mieux.

— Frères, reprit celui qui s’était éveillé le premier, — il faut que vous soyez prêts à partir demain de grand matin, tous les deux.

— Déjà !… s’écrièrent-ils à la fois.

Puis l’un d’eux ajouta :

— Moi qui avais découvert une superbe maison de jeu, où l’on dîne comme nulle part !…

— Moi qui avais la plus ravissante conquête du monde ! ajouta l’autre.

— J’avais déjà combiné ma martingale…