Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son visage était inondé de larmes, et des sanglots convulsifs soulevaient sa poitrine.

Ses deux mains se serraient contre les planches, et sa bouche s’avançait comme pour donner un baiser.

— Judith ! murmurait-elle, Judith ! mon enfant !…

Puis elle ajoutait avec une sorte de délire :

— Oh ! ne meurs pas encore ! attends !… sa vie s’en va, et désormais tu n’as plus que quelques jours à souffrir !

À ce moment, elle se redressa épouvantée : derrière elle, à deux pas, retentissait un rauque éclat de rire.

Elle se retourna, mais son trouble l’aveuglait. Tandis qu’elle cherchait à voir, une voix étrange s’élevait dans l’ombre du pilier voisin. La voix chantait :

C’est aujourd’hui lundi ;
Ils sont venus chercher maman Regnault
Pour la mener en prison,
Parce qu’elle n’a pas d’argent.
Maman Regnault s’est sauvée ;
Mais ils reviendront demain,
Et ils sauront bien l’attraper…
La bonne aventure, ô gué !…

Les yeux de Petite s’habituaient à l’obscurité ; elle aperçut un être difforme qui se démenait à cheval sur un tréteau oublié.

Elle s’enfuit. Tandis qu’elle traversait la place de la Rotonde, le chanteur éleva la voix davantage, et cette voix parvint jusqu’aux oreilles de la petite Galifarde, qui frissonna sur son matelas, comme si les planches de la devanture n’eussent point été un rempart assez fort contre la méchanceté cruelle de l’idiot Geignolet.

Sara s’assit, toute tremblante, sur les coussins de son coupé.

Quand son cocher vint lui demander ses ordres, elle fut quelque temps sans pouvoir lui répondre.

— Rue Dauphine, dit-elle enfin, — numéro 17.

C’était l’adresse de Franz.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La soirée s’avançait. C’était dans un hôtel meublé de la rue Saint-Honoré.