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s’enroulait un magnifique collier de pierres fausses. Elle avait sur la tête un bonnet de dentelles d’un grand prix, gâtées par une profusion de rubans couleur de feu.

De ce bonnet s’échappaient les mèches roides et tortillées de ses cheveux.

Elle riait à tout propos et très-bruyamment ; elle tapait volontiers sur le ventre des gens ; elle parlait l’argot du Temple avec une voix de caporal.

La table était passablement servie ; le linge était beau, l’argenterie luxueuse. On eût pu remarquer seulement auprès de chacun des deux convives une énorme bouteille sans cachet, mesurant litre, et pleine de ce vin violâtre qui tache les nappes des cabarets populaires.

La chambre était grande et meublée en salon. Il y avait de beaux fauteuils de velours rouge, un divan, des chaises en tapisserie, le tout presque neuf, et n’ayant point trop physionomie d’occasion ; on aurait pu se croire dans un salon ordinaire, servant de salle à manger par hasard, sans la profusion de dépouilles disparates qui couvraient une partie des meubles.

On voyait là des palisses fourrées, des lambeaux de dentelles, de vieux gants attendant le nettoyage, des manchons, des robes, des corsets, et une demi-douzaine de pantalons hors d’usage.

Autour de la tapisserie, semée de fleurs éclatantes, s’alignait un rang pressé de ces petites gravures, enluminées chaudement, qu’on voit aux carreaux des vitriers.

On retrouvait là l’histoire lamentable de Geneviève de Brabant, Héloïse et Abeilard, le Corsaire sous la Terreur, la Tour de Nesle et l’Enfant prodigue, réduit par sa grande faute à garder des pourceaux peints en bleu !

Sur la cheminée se plaçait une superbe pendule Louis XV, flanquée de deux tasses à douze sous.

La chambre était éclairée par deux chandelles de suif jaune, fichées dans des flambeaux d’un grand prix.

Madame Huffé avança un fauteuil pour Petite, et lui fit une quatrième révérence, en appelant sur ses traits redoutables le plus avenant de tous ses sourires.