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— Docteur, dit-il, elle sait le nom et l’adresse du jeune homme, puisqu’elle se charge de l’inviter… le nom, vous avez pu le lui dire, car vous le saviez… mais l’adresse ?

Les sourcils du docteur se froncèrent.

— Ah ! ah ! cher docteur, reprit méchamment le chevalier, comme elle est belle encore, et que ceux qu’elle aime doivent être heureux !…

Petite venait de tendre son front au baiser du vieillard.

— Je vous quitte de bonne heure ce soir, disait-elle ; il faut que j’aille tenir compagnie à mon pauvre Léon…

Moïse retrouva un sourire pour lui souhaiter la bonne nuit.

Quand elle fut partie, il se tourna vers Reinhold et le docteur qui venaient de se rapprocher du foyer.

— Ils ne peuvent pas rester bien longtemps l’un sans l’autre, dit-il ; comme ils s’aiment !…

Le docteur salua gravement ; Reinhold dit une fadeur.

La voiture de Petite galopait vers la rue de Provence.

Un quart d’heure après, elle était assise au chevet de son mari.

Il y avait là un médecin qu’on venait d’appeler.

Petite se plaignit amèrement du devoir impérieux qui l’éloignait du lit de son mari malade ; elle l’accabla de caresses tendres, et quand le médecin sortit, il était presque en colère contre M. de Laurens, qui avait accueilli avec une froideur morne les marques d’amour de sa charmante femme.

À peine avait-il dépassé le seuil, que Petite se levait à son tour et courait changer de toilette.

Elle rentra bientôt, parée et si belle, que le regard du malade eut un éclair.

— Bonsoir Léon, dit-elle du bout des lèvres ; — je vous trouve mieux, mon ami… en rentrant, je viendrai peut-être vous faire une petite visite, avant de me coucher.

— Où allez-vous ? murmura le pauvre agent de change, qui était pâle au point de ressembler à un mort.

Sara lui fit un petit signe de tête en souriant, et s’enfuit sans répondre.