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Lia se fit la gardienne de son sauveur ; à l’insu de tous, elle veilla, et son sauveur lui dut, à son tour, la liberté sinon la vie.

Un matin, elle entra chez Gottlieb tout essoufflée.

— Ils vont venir, dit-elle, et celui que vous cachez n’aura pas le temps de s’éloigner… Ne me dites pas que vous ne cachez personne ! poursuivit-elle en fermant la bouche au paysan d’un geste impérieux ; — je sais qu’il est chez vous et je veux le sauver… Je viens d’Esselbach, où j’ai entendu les soldats parler de lui et dire qu’ils savaient où le prendre… Ils vont venir de plusieurs côtés à la fois, et au moment où je vous parle, il n’est déjà plus temps de fuir.

Gottlieb et sa femme restaient devant elle, irrésolus et interdits.

Comme ils cherchaient leur réponse, la porte de derrière s’ouvrit, et l’étranger parut, tenant à la main une épée dans son fourreau.

— Je vous ai entendue, mademoiselle, dit-il, et je viens vous rendre grâce… Combien sont-ils, je vous prie, ceux qui veulent s’emparer de moi ?

Lia secoua la tête, en regardant l’épée avec tristesse.

— Je sais que vous êtes brave, murmura-t-elle ; — mais ils sont trop !

— Et puis-je vous demander ?… poursuivit l’étranger,

— Pourquoi je veux vous sauver ? interrompit Lia vivement, — c’est que je vous dois la vie…

Le visage du proscrit n’exprima que de l’étonnement.

Lia baissa les yeux, une larme vint à sa paupière.

— Il ne me connaît pas ! pensa-t-elle ; — il ne m’avait pas même vue !

— Écoutez, reprit-elle en s’éveillant tout à coup à la pensée du danger ; — je ne puis pas vous expliquer cela maintenant, mais, je vous le jure, c’est bien la vérité !… sans vous, je serais morte… Le temps presse et les soldats arrivent… Venez, je vais vous donner un asile.

L’étranger regardait avec admiration le beau visage de la jeune fille.

— Où donc ? demanda Gottlieb avec un reste de défiance.

— Chez moi, répondit Lia.

— Dans votre chambre !… s’écrièrent à la fois le mari et la femme.

Lia s’avança vers le proscrit et le prit par la main.

— Venez… dit-elle, avec un sourire beau et pur comme son âme.