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parut brusquement au seuil du pavillon. Il n’était point possible de l’éviter.

— Que faites-vous ici, Albert ? reprit-elle d’une voix basse et rapide.

— Vous m’aviez dit de venir vous trouver, répondit le baron, — je suis venu.

— Quelle imprudence !… C’était chez moi, rue de Provence, et non pas dans cet hôtel, qui est celui de mon père.

— N’êtes-vous pas heureuse de me revoir ? demanda le baron, qui la considérait curieusement.

— Oh ! si fait, mon Albert !… Ne savez-vous pas comme je vous aime !… Je suis bien heureuse ; mais j’ai peur… si quelqu’un venait !…

— Vous avez évité de plus grands dangers que cela, belle dame, répliqua Rodach froidement.

Petite leva les yeux sur lui, et le considéra pendant quelques minutes attentivement.

— Comme vous êtes changé, Albert ! dit-elle. Hier, vous aviez encore votre regard fanfaron et ce sourire hardi que j’aime tant… Aujourd’hui, vous êtes grave, et vous avez une autre voix.

Au moment où Rodach ouvrait la bouche pour répondre, un bruit se fit dans l’antichambre qui précédait le corridor. Petite devint toute pâle.

— Au nom de Dieu ! murmura-t-elle, ne restez pas ici, Albert !… Voilà quelqu’un, et j’aimerais mieux mourir que d’être prise en faute dans la maison de mon père !…

— Je suis à vos ordres, répondit Rodach.

Petite tourna sur elle-même, jetant à droite et à gauche ses regards effarés. Il n’y avait que deux portes dans le corridor : celle par où Rodach s’était introduit et la porte vitrée.

Derrière la première on entendait des voix qui semblaient s’approcher.

Petite hésita pendant une seconde, puis elle mit sa main sur le bouton de la porte vitrée.

— Chacun pour soi ! pensa-t-elle. — Je n’ai pas à choisir, et s’il y a quelqu’un d’accusé, il vaut mieux que ce soit elle…

— Entrez ici, Albert, reprit-elle en s’adressant au baron ; dans cette pièce il y a une personne de votre connaissance… demain vous viendrez me voir… j’y compte ; adieu !