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reuse, que tu me dirais quelque jour : Merci, Petite, je ne connaissais rien, c’est toi qui m’as appris la vie.

Sa voix était insinuante comme une caresse, et son regard tentateur avait plus d’éloquence encore que ses paroles.

Esther avait eu bien longtemps cette vertu négative des natures paresseuses : au fond de l’âme, elle était plutôt bonne que mauvaise ; ce qui entraîne d’ordinaire les femmes avait sur elle peu d’empire, parce que son indolence lui était une sauvegarde et une égide. Pourtant le feu de la jeunesse était chez elle, couvert, mais non pas éteint ; il y avait, derrière sa nonchalance un peu lourde, une sensualité robuste. Son enveloppe de paresse une fois brisée, la flamme jaillissait ; elle se lançait ardente au plaisir, et se livrait aux voluptés offertes avec une sorte d’emportement.

C’était Petite qui jusqu’alors s’était chargée toujours de briser à propos cette enveloppe d’indolence ; tout ce qu’Esther avait fait de mal en sa vie, elle pouvait, à bon droit, le rejeter sur sa sœur.

La propagande est une nécessité de toute âme perdue. Sara, belle et gracieuse pécheresse, voulait inoculer le péché à tout ce qui l’entourait. Elle jouissait à entraîner d’autres âmes dans sa chute ; son bonheur était d’étendre autour d’elle sa perversité contagieuse, et de faire des prosélytes à la religion du mal.

Sara était tombée depuis l’enfance. Dès ses premières années, un souffle impur avait flétri son cœur adolescent. On lui avait enseigné à renier Dieu et à railler la voix de sa conscience. Elle était athée comme son maître le docteur Mira ; elle était comme lui froidement audacieuse, et, comme lui encore, impitoyable.

Mais elle était femme, et, dans le mal comme dans le bien, la femme sait aller plus loin que l’homme : Petite avait surpassé son maître.

C’était sur ceux que l’on aime d’ordinaire et pour qui l’on se dévoue que s’étendait sa sphère malfaisante. Nous l’avons vue auprès de son mari ; nous la voyons auprès d’Esther, sa compagne d’enfance ; — nous la verrons auprès de Lia, sa jeune sœur, dent l’âme pure et forte avait repoussé son influence empoisonnée.

Elle se jouait de tout. Franz, ce pauvre enfant qu’elle avait rencontré un jour sur son chemin, et qui s’était pris au piège de sa beauté admira-