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dont elle avait parlé d’abord, elle songeait maintenant aux plaintes qu’on lui faisait de son fils enfant, dans le marché du Temple.

Reinhold attendait qu’elle s’expliquât davantage, pour savoir au juste ce qu’il devait craindre.

Mais le cerveau affaibli de la vieille femme ne savait point suivre une idée.

Reinhold se reprit à songer au moyen de reconduire.

En ces sortes d’occurrences, il n’y a réellement qu’un moyen, et l’imagination la plus fertile n’en pourrait point trouver d’autre. Mais, si misérable et si vicié que fût le cœur de Reinhold, il hésitait avant de descendre à cette infamie, et il cherchait.

Depuis que ses yeux s’étaient levés tout à l’heure sur la vieille femme pour la comprendre mieux et tâcher de savoir, quelque chose avait remué au-dedans de lui ; il avait senti tressaillir, bien faiblement, hélas ! tout au fond de son âme, une fibre inconnue.

Cette pauvre femme, aux traits flétris par la douleur, c’était sa mère. Il n’avait peut-être pas songé à elle deux fois en sa vie ; mais, si perdu que vous supposiez un homme, il ne reverra jamais impunément ce front de mère qui se pencha au-dessus de son berceau, ce visage ami qui vit son premier sourire, ce regard tendre qui répondit à son premier regard.

Reinhold sentit comme un vague souvenir de son enfance ; sa nature glacée s’attiédit. Il prononça au-dedans de lui-même ce nom de mère dont l’homme se souvient, alors même qu’il a oublié le nom de Dieu.

La pensée lui vint de faire quelque chose pour cette malheureuse femme dont il avait rendu la vieillesse si douloureuse. Qu’était une poignée d’or de plus ou de moins ? Reinhold était si extraordinairement amendé à cette heure, qu’il eût jeté volontiers une vingtaine de louis à sa mère !

Si sa mère voulait s’éloigner bien vite et lui promettre de ne jamais revenir !

Mais cet attendrissement inusité dura peu. Cette pensée mourut en naissant, et quelques minutes après, Reinhold se fût sincèrement étonné de l’avoir conçue.

La vieille marchande, cependant, sentait ses idées vaciller dans son