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M. le baron de Rodach, qui était resté jusqu’alors impassible. Sa paupière se baissa, mais pas assez rapidement pour cacher un vif éclair qui scintilla dans son œil ; une ride amère se creusa sous sa moustache rabattue.

Ce fut l’affaire d’une seconde. Le chevalier de Reinhold n’eut pas le temps de s’en apercevoir.

Tout ce qu’il remarqua, ce fut l’accent bizarre que prit la voix du baron, tandis qu’il répondait :

— Entre associés, monsieur de Reinhold, il est toujours fort bon d’être ami, et rien ne s’oppose à ce que je sois le vôtre.

Le chevalier releva les yeux avec défiance, tant le ton de M. de Rodach contrastait avec ces pacifiques paroles. Il s’attendait presque à rencontrer un visage devenu hostile et de menaçants regards.

Mais les traits du baron avaient repris instantanément leur immobillité froide.

— Avant de nous séparer, poursuivit-il, je vous prierai de me donner tous les renseignements nécessaires pour mon voyage de Londres, et les papiers qui peuvent avoir trait à la mission dont je me charge.

Reinhold rentra dans son appartement et se dirigea vers son secrétaire. Au moment où il mettait sa clef dans la serrure, une réflexion parut le retenir…

— C’est que cela va être bien long ! dit-il ; les comptes sont un peu compliqués… Je pense vous avoir touché quelques mots de certain mariage qui est pour moi une affaire capitale… Je suis auprès de la jeune fille, et surtout auprès de sa mère, dans toute la ferveur de ces empressements bucoliques qui précèdent les fiançailles… Or, voici venir l’heure où je me rends chaque jour chez madame la vicomtesse d’Audemer… Vous serait-il indifférent de me donner un instant dans la soirée ?

— Impossible, répliqua Rodach, ce voyage, sur lequel je ne pouvais compter, va faire de moi un homme excessivement occupé jusqu’à la nuit.

— À cela ne tienne, cher monsieur !… Si vous voulez me laisser votre adresse, je me rendrai chez vous aussi tard que vous voudrez.

Le baron hésita un instant avant de répondre.

— Cher monsieur, dit-il enfin, je suis un homme à manies… j’aime