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leur œuvre est commencée, ils ont la ferme volonté de l’achever… meinherr Fabricius Van-Praët y passera le premier.

Abel ouvrit de grands yeux, et les deux autres associés laissèrent échapper une exclamation étouffée.

— Le Madgyar Yanos Georgyi viendra ensuite, poursuivit Rodach dont la froideur semblait aller croissant ; — après le Madgyar, ils auront accompli juste la moitié de leur lâche.

Le chevalier faisait des efforts désespérés pour garder son sourire. Mira était immobile et glacé comme un bloc de pierre.

— Le reste se fera, continua Rodach, à moins que la mort n’arrête les bâtards en chemin… En procédant par rang d’âge ils commenceront par Moïse de Geldberg…

— Mon père !… s’écria Abel stupéfait, en se dressant sur ses pieds.

— Mon jeune monsieur, dit Rodach, si vous ne connaissez point l’histoire de votre famille, ce n’est pas moi qui me chargerai de vous l’apprendre… ce que vous ne pouvez manquer de connaître, c’est que votre beau château de Geldberg s’appelait Bluthaupt autrefois.

— Mais nous l’avons acheté ! repartit vivement le jeune homme, — et mon père l’a payé !…

— Comme ce n’est point moi qui compte tuer monsieur votre père, répliqua le baron de Rodach avec un sourire calme, il est inutile de plaider sa cause auprès de moi… nous parlons des trois bâtards, nos ennemis communs, et, sur votre demande, je vous dis ce qu’ils veulent faire.

Abel se rassit et passa le revers de sa main sur son front.

— J’oubliais qu’il y a de bonnes murailles, murmura-t-il, entre les assassins et mon pauvre vieux père !

— Après Moïse de Geldberg, continua Rodach, qui salua le docteur avec courtoisie, — ce sera probablement le tour de don José Mira.

La face du Portugais prit des reflets livides.

M. de Reinhold perdait le souffle ; ses yeux qui étaient fixés sur Rodach peignaient une épouvante indicible.

— Après don José Mira, poursuivit le baron, il n’y aura plus à choisir…

— Assez, monsieur, assez !… balbutia le chevalier d’une voix défaillante.