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Les choses s’arrangeaient ; tout était pour le mieux.

Le baron seul restait toujours le même, et sa physionomie n’avait point changé.

Maintenant qu’il avait, pour ainsi dire, bataille gagnée, il ne paraissait pas plus à l’aise qu’au début de l’entretien. C’était toujours le même front calme et digne, le même regard plein de franchise et de fermeté.

Une seconde avait suffi pour faire disparaître le léger trouble que lui avait causé la vue d’une lettre portant e timbre de poste de Francfort-sur-le-Mein. Aucun des associés n’avait eu le temps de remarquer le nuage qui venait de passer sur ses traits.

— C’est de Bodin ?… dit le jeune M. de Geldberg.

— Je le pense, répliqua Reinhold en examinant l’adresse. Si monsieur le baron veut bien le permettre, nous allons nous en assurer à l’instant.

— Faites, messieurs, dit Rodach.

Reinhold déchira l’enveloppe avec une certaine précipitation, et se mit à lire tout bas.

Tandis qu’il lisait, ses sourcils se fronçaient et ses épaules avaient des mouvements de dépit.

— C’est, en effet, de Bodin, dit-il ; et le pauvre garçon n’est pas plus avisé qu’autrefois !… La bonté que nous témoigne monsieur le baron lui donne le droit de connaître toutes nos affaires, les petites comme les grandes… Bodin, ajouta-t-il, en se tournant vers Rodach et en reprenant son sourire, est un de nos employés que nous avons dépêché au château de Geldberg pour surveiller les préparatifs de notre fameuse fête… Comme il devait passer par Francfort, nous lui avions donné mission de s’informer un peu et de savoir ce que devenaient les trois bâtards de Bluthaupt dans leur prison.

— Ah !… dit Rodach, en exagérant sans y penser, son air d’indifférence.

— Oui, reprit Reinhold ; ce n’est pas à vous qu’il faut apprendre, monsieur le baron, que ces trois aventuriers sont les ennemis les plus acharnés de la maison de Geldberg.

— En effet, répliqua Rodach, il y a bien longtemps que j’ai entendu parler de cela pour la première fois… Eh bien, que vous dit cet employé ?