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Il est vrai que ses habits n’étaient pas faits pour donner une haute idée de son portefeuille ; mais les habits trompent souvent, et les millions sont connus pour mépriser la toilette.

Dans la dernière salle, où se trouvait un monsieur respectable, chargé de la correspondance, et ses aides, qui étaient déjeunes lions, il y avait un escalier tournant, montant à l’étage supérieur.

Klaus et le baron prirent cette voie.

L’escalier débouchait dans une petite pièce servant d’antichambre, où un valet tout pareil à Klaus veillait.

Sa consigne était probablement de barrer le passage, car il se mit au-devant de la porte.

— Vous savez bien, dit-il, que ces Messieurs ne reçoivent plus…

— Je sais ce que je sais, répliqua Klaus de ce ton suffisant des gens qui ont une mission de confiance. — Rangez-vous, s’il vous plaît, monsieur Durand : ces Messieurs attendent.

M. Durand fit volte-face en grondant avec mauvaise humeur. Il lui semblait étrange et désobligeant qu’un autre sût ce qu’il ne savait point…

Klaus traversa l’antichambre en étouffant son pas sur le tapis. Il affectait un grand air d’assurance ; mais le diable, comme on dit, n’y perdait rien, et le pauvre garçon avait la chair de poule sous son magnifique habit noir.

Il frappa trois petits coups à une porte sur laquelle se croisaient deux rideaux de laine.

— Ils ne veulent pas ! murmura-t-il ; — s’il ne s’agissait pas de vous, gracieux seigneur…

— C’est là qu’ils sont ? interrompit Rodach.

Klaus, qui était tout pâle, fit un signe de tête affirmatif.

Rodach l’écarta et mit sa main sur le bouton de la porte.

— Sois tranquille, dit-il, avant d’entrer, on ne te chassera point… et si l’on te chasse, je te prendrai à mon service.

La grave figure de l’ancien chasseur de Bluthaupt s’illumina de joie. Il frappa ses mains l’une contre l’autre, et fut obligé de faire appel à sa dignité pour ne point gambader sur le tapis.

Rodach entra et referma la porte derrière lui.