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Elle avait demandé, d’une voix tremblante et basse, monsieur le chevalier de Reinhold. L’austère Germain lui avait fait la même réponse qu’au baron de Rodach, et la pauvre vieille femme était allée s’asseoir tout au bout de la banquette, dans le coin le plus retiré de l’antichambre.

Il y avait de cela une demi-heure.

Depuis lors, elle demeurait immobile et la tête baissée. Parfois, lorsque le bruit de l’argent tintait plus vif dans la caisse voisine, elle relevait la tête à demi, et ses yeux, éteints s’ouvraient tout grands, pour jeter un regard fasciné sur la porte des bureaux.

Il y avait comme une plainte navrante dans cette pantomime involontaire. C’était le regard de l’affamé qui dévore, à travers les carreaux, l’étalage d’une boulangerie. On devinait que, pour guérir sa douleur désespérée, il eût suffi d’un peu de cet or, remué à pleines mains tout près d’elle.

À mesure que le temps passait, une inquiétude plus grande venait se peindre sur son visage.

— Monsieur, dit-elle, saisissant le moment où la promenade du garçon d’antichambre se rapprochait de son coin, ne pourrai-je pas voir bientôt monsieur le chevalier de Reinhold ?

— Attendez, ma brave dame, attendez, répondit l’Allemand sans s’émouvoir.

— C’est que je n’ai pas le temps d’attendre, murmura timidement la vieille femme.

— Alors, n’attendez pas.

L’Allemand tourna le dos et se dirigea vers l’autre bout de l’antichambre.

La bonne femme fit appel à tout son courage ; quand le domestique repassa auprès d’elle, elle se releva et s’avança vers lui.

— Je viens apporter de l’argent, dit-elle.

Le valet s’arrêta.

— Alors, s’écria-t-il, vous n’aviez pas besoin d’attendre ; donnez-vous la peine de passer à la caisse.

— C’est que, mon bon Monsieur, ce n’est qu’un petit à-compte.

— Ah ! diable ! fit l’Allemand, dont l’accent germanique se renforça