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Hélène éleva ses enfants comme elle put ; elle était bonne mère : son amour maternel lui donna les ressources qu’elle n’avait point. Julien et Denise reçurent une éducation suffisante. — Vers le temps où Julien atteignait sa dix-huitième année, un ami de la famille d’Audemer vint proposer à Hélène de le placer dans une des premières maisons de banque de Paris. C’était, il est vrai, une maison nouvelle, mais dont la réputation n’avait point de rivale et qui possédait un crédit européen.

Hélène y consentit avec joie, et Julien devint commis de la maison de Geldberg, Reinhold et compagnie.

Ce fut une occasion pour M. le chevalier de Reinhold, de s’introduire auprès de la vicomtesse. À cette époque, elle était bien belle encore, et les visites du chevalier, qui se faisaient de plus en plus fréquentes, n’avaient peut-être pas un but entièrement désintéressé. Mais Hélène, qui songeait à l’avenir de son fils, fermait les yeux et continuait de tenir sa porte ouverte au chevalier. Il est probable, du reste, que les témérités de ce dernier ne dépassèrent point une certaine limite, car la vicomtesse, qui était une femme de cœur, ne vit pas d’obstacle plus tard à lui promettre la main de sa fille.

M. de Reinhold se présenta, en effet, un beau jour, pour être le mari de la jolie Denise. Mais alors qu’il fit sa demande, les choses avaient bien changé. Julien n’était plus commis d’une maison de banque : il montait un vaisseau de l’État en qualité d’élève de première classe ; Denise, brillante de jeunesse et de beauté, sortait d’un des premiers pensionnats de Paris.

Ce n’était plus seulement une charmante fille, c’était encore une héritière. Contre toute attente, madame d’Audemer avait fait un opulent héritage, à la mort de quelque parent éloigné de son mari, qu’elle n’avait jamais vu durant sa vie.

C’était une famille relevée.

La vicomtesse, cependant, avait gardé de son indigence passée un respect profond pour la richesse. Le chevalier de Reinhold était riche ; quelles que pussent être sur lui les opinions personnelles d’Hélène, elle l’accepta pour gendre avec empressement.