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fille !… Je vais entamer une lutte dont les chances ne se peuvent point prévoir… avec moi cette cassette serait trop exposée… J’ai confiance en vous comme en moi-même… gardez-la : je viendrai vous la redemander, et alors le nom de Bluthaupt sera bien près de reconquérir son ancien éclat !

Hans s’inclina respectueusement.

— J’accepte le dépôt, dit-il ; et, sur la mémoire de mon père, je m’engage à vous le rendre dès que vous l’ordonnerez.

Rodach se releva et rejeta son manteau sur son épaule pour sortir.

— Cela me pesait, dit-il en redressant sa haute taille ; — maintenant, j’ai une responsabilité de moins, et je me sens le cœur plus léger… Voyons, avant de vous quitter, ami Dorn, n’ai-je plus rien à vous dire ?

Il sembla chercher au fond de sa mémoire, puis il s’écria tout à coup :

— Je savais bien que j’oubliais quelque chose !… il me faut l’adresse de ce jeune Franz…

— Malheureux que je suis ! murmura-t-il, — je n’ai pas songé à demander cette adresse.

Gertraud était toujours dans son coin : elle jetait, par derrière, sur le baron des regards sournois et assez peu rassurés ; son trouble, néanmoins n’était plus de l’épouvante, et, lorsqu’elle vit l’embarras de son père, elle se sentit assez forte contre sa timidité pour venir à son aide.

— Cette adresse, prononça-t-elle bien bas, je pourrai l’avoir.

— Comment cela ? demanda Hans Dorn.

Gertraud rougit ; elle s’était avancée à l’étourdie, et pour répondre, il lui fallait trahir maintenant un secret qui n’était point le sien.

Le secret de Franz et de Denise.

Car c’était à mademoiselle d’Audemer qu’elle pensait, lorsqu’elle avait dit : Je puis avoir cette adresse…

Heureusement, les jeunes filles, si pures et simples qu’elles soient, ont déjà pour un peu le génie de la femme.

Gertraud réfléchit durant une seconde, puis elle répondit :

— Monsieur Franz nous a parlé du vicomte Julien d’Audemer…

— C’est vrai ! s’écria le marchand d’habits tout consolé ; — si vous voulez attendre, monsieur le baron, nous allons avoir cette adresse dans un quart d’heure.