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Gertraud leva sur lui un œil timide. Rodach souriait.

Dans ce sourire, il y avait comme une tendresse caressante et protectrice. Si la peur de Gertraud n’eût été que le farouche embarras de son âge, elle eût été bien vite rassurée par ce sourire, tout plein de franchise et de bonté ; mais Gertraud avait en ce moment la tête trop remplie de fantastiques terreurs.

Sa paupière se baissa de nouveau.

Rodach la contempla encore durant quelques instants.

— Pauvre Gertraud, murmura-t-il en songeant, non point à cette enfant qui était là, devant lui, brillante de jeunesse et de force, mais à l’autre Gertraud, à la pauvre fille d’Allemagne, qu’il avait vue autrefois belle aussi, et jeune et souriante, et qui était morte maintenant.

Tout un passé lointain revenait vers lui avec cette pensée ; mais il n’avait point de loisir à donner à des rêves, et, après quelques secondes de silence, il reprit :

— Où est votre père, ma fille ?

Gertraud lui montra du doigt la porte entr’ouverte de la chambre de Hans.

Le baron de Rodach se pencha et mit un baiser sur le front de la jeune fille, qui devint plus pâle et qui chancela, comme si tout son sang s’était retiré vers son cœur, au contact de cette bouche redoutée.

Rodach entra dans la chambre de Hans. Gertraud alla s’asseoir dans un coin, où elle demeura muette et comme pétrifiée.

À la vue de Rodach, Hans Dorn se leva, respectueux et empressé ; le baron prit le siège où Franz s’asseyait naguère ; le marchand d’habits se tint debout devant lui.

— Gracieux seigneur, l’enfant vient de venir…

— Je le sais, répondit Rodach. Au moment où il montait dans sa voiture, la mienne s’arrêtait devant votre maison.

— Vous a-t-il vu ?

— Non… j’ai baissé précipitamment le store, et, avant de descendre, je lui ai laissé le temps de s’éloigner.

— Il m’a tout raconté, reprit Hans. J’ai deviné ce qu’il ne pouvait