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vous en ai demandés ; car j’ai eu confiance en vous, et je n’ai exigé aucune preuve…

— C’est vrai, dit Franz, et je vous en remercie… mais je cherche votre nom depuis une heure !

— Hans Dorn, interrompit le marchand d’habits.

— Hans Dorn ! répéta Franz, c’est le nom d’un honnête et digne homme… Et ma petite protectrice, qui avait bonne envie de plaider ma cause hier ?…

— Gertraud ! répondit de loin la jeune fille, qui était allée s’asseoir de l’autre côté de la porte et qui brodait à la main une collerette.

— Gertraud ! répéta encore Franz ; Hans et Gertraud !… il ne faut plus que j’oublie cela, car je n’ai pas beaucoup d’amis.

Il fit un signe de tête à la jolie brodeuse, qui se recula coquettement, et cacha sa tête souriante derrière la porte.

Hans regardait ce petit manège à la dérobée, et l’émotion chassée revenait dans ses yeux.

La conduite de Franz n’éveillait point en lui la jalouse inquiétude du père. On eût dit que, de lui au jeune homme, le soupçon était chose impossible.

Quand Franz se retourna de son côté, il reprit gauchement son masque d’indifférence et de froideur.

— Au lieu de me donner les renseignements que je vous demandais, poursuivit-il, allongeant dans son trouble une explication que l’on n’exigeait plus, — vous m’avez conté en deux mots toute votre histoire… vous m’avez parlé de danser et de vous battre… vous m’avez dit en souriant que la nuit d’hier était votre dernière nuit… J’aime les enfants qui vous ressemblent, monsieur Franz !… Je me suis pris d’intérêt pour vous, pauvre jeune homme isolé dans ce grand Paris… Si vous étiez mort, je vous aurais pleuré… Je ne sais, quand vous parlez, c’est votre cœur qui parle… Vous avez un nom allemand et je suis d’Allemagne… et puis, vous savez, il est de vagues ressemblances qui vont remuer tout au fond de l’âme des souvenirs lointains et chers… vos traits m’ont rappelé ceux d’un maître que j’ai servi autrefois… Un jeune homme comme vous, monsieur Franz, qui n’avait d’autre nom que celui du baptême, et qui,