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L’œil de Hans qui brillait d’enthousiasme, se voila sous sa paupière baissée.

— L’enfant qui est venu me vendre des habits ?… murmura-t-il.

Gertraud dont le front était devenu tout rose, fit un signe de tête affirmatif.

— C’est vrai ! dit Hans Dorn d’une voix adoucie : — tu as raison, ma fille… Celui-là aussi est un fier et beau jeune homme… La fille de ta mère doit l’admirer et l’aimer.

L’œil de Gertraud, naïvement interrogateur, demandait le sens de ces paroles ; mais Hans Dorn se taisait maintenant, et semblait retombé dans sa rêverie mélancolique.

Il y eut un silence, pendant lequel Gertraud médita longuement cet étrange précepte qui lui commandait d’admirer et d’aimer un jeune homme inconnu, un petit fou qui avait voulu l’embrasser malgré elle, et qui venait vendre sa garde-robe au Temple, comme un raffiné du pays latin.

— C’est de l’autre que je te parle, ma Gertraud, reprit Hans de ce ton caressant que l’on prend pour rendre la mémoire aux enfants troublés ; — tu sais bien, celui qui vint me voir il y a deux ans, et dont je baisai la main comme s’il eût été un prince…

— Oui, dit enfin la jeune fille, éclairée, par cette circonstance. Un homme enveloppé dans un grand manteau rouge…

— C’est cela, ma Gertraud… je te disais bien que tu n’avais pu l’oublier !… son regard descend jusqu’au fond de l’âme, pour l’emplir de tendresse et de respect…

— Son regard brillait comme un éclair, murmura Gertraud avec un léger frémissement ; — il me fit peur !

— Vous avez peur de tout, vous autres jeunes filles… mais il n’est terrible qu’aux méchants et aux forts… le regardas-tu bien, Gertraud ?

— Tant que j’osai, mon père.

— Ne vis-tu point en lui quelque chose d’étrange et de surnaturel ?… un signe que je ne puis pas dire, et qui semble indiquer une puissance supérieure à celle des autres hommes !…

— Je ne me souviens pas, répliqua la jeune fille.