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de sa robe. Tout son corps avait cette maigreur uniforme qui révèle la détresse et le besoin.

Mais, malgré cette apparence misérable, la taille de Nono, élancée et flexible, attirait l’œil et plaisait aux regards. Il y avait une sorte de charme dans la pitié qui vous venait au cœur en la voyant si faible et si malheureuse. Ses traits étaient réguliers et fins. Il y avait sur son visage pâle une expression de souffrance résignée et soumise.

La pauvre enfant savait sourire au travers de ses larmes. Ses beaux yeux noirs, creusés par le chagrin, s’animaient alors et vous jetaient un regard plus pénétrant et plus doux.

C’était comme un fugitif rayon de soleil éclairant une morne matinée d’hiver.

Quiconque eût dit dans le Temple que la Galifarde était belle aurait passé pour un fou. On ne voyait en elle que sa pâleur maladive et les trous mal dissimulés de sa robe en lambeaux. Ce qu’elle inspirait, c’était beaucoup de mépris et un peu de compassion. Elle était belle pourtant, comme la souffrance muette qui se résigne. L’auréole du martyre couronnait son front d’enfant, et, poëte, vous eussiez rêvé longtemps au contact de sa silencieuse tristesse…

Elle s’était assise sur son dur matelas et mangeait avidement le déjeuner que Gertraud venait de lui apporter.

Le jour, qui se faisait vif, pénétrait dans l’étroit réduit par l’ouverture récemment improvisée.

C’était un contraste étrange et qui avait sa beauté. La lumière glissait sur les cheveux de Gertraud, éclairant de profil son front radieux, où brillaient la force et la joie de la jeunesse. Puis elle tombait d’aplomb sur le visage amaigri de la Galifarde, qui était heureuse en ce moment, et qui levait vers sa jolie compagne son regard mélancolique et reconnaissant.

Au dehors, comme pour donner à ce tableau de charité douce un énergique repoussoir, on apercevait la face hâve de l’idiot Geignolet, qui se glissait entre les piliers du péristyle et qui grondait sourdement, parce qu’il voyait la proie hors de sa portée.