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Il avait des relations suivies avec l’Allemagne. Cette circonstance le rapprocha du vicomte d’Audemer, et ce fut par lui que le comte Ulrich envoya désormais la pension qui formait la dot de sa fille.

M. de Regnault s’acquittait de ces messages avec une obligeance charmante et une exactitude au-dessus de tout éloge. Il témoignait d’ailleurs au vicomte un entier dévouement, et ce dernier lui accorda bientôt une grande place dans son amitié.

M. de Regnault n’était pas homme à rester longtemps sans mettre à profit cet état de choses. Il fit des emprunts au vicomte, et, au bout de quelques mois, ce dernier se trouva lui avoir confié la somme qui composait ses ressources personnelles.

Sur ces entrefaites, arriva la mort soudaine du comte Ulrich. Raymond d’Audemer ne conçut d’abord aucun soupçon. Il chargea M. de Regnault, qui était alors en Allemagne, de vendre sa part de la succession et de lui en faire passer le prix.

Regnault ne demandait pas mieux que de vendre ; mais là se bornait sa bonne volonté.

Il écrivit au vicomte que la somme entière était placée chez un riche banquier de Francfort, et lui conseilla de l’y laisser jusqu’à nouvel ordre. Puis il revint à Paris où il mena une joyeuse vie.

Raymond d’Audemer n’eut garde de prendre de la défiance. La présence même de Regnault le rassurait. — Il était riche maintenant. Sa femme, bonne et belle, l’aimait d’un inaltérable amour. Le petit Julien, son fils, joli ange aux blonds cheveux, qui ressemblait à sa mère, grandissait et devenait fort. Le vicomte avait ce qu’il fallait de cœur et de raison pour savourer dans leur plénitude ces joies recueillies du mariage. Il n’y avait point au monde d’homme plus heureux que lui.

Un matin, une pauvre femme, dont le costume usé parlait de misère, vint frapper à la porte de sa maison. Elle demeura longtemps avec lui dans son cabinet.

Ce même jour, trois voyageurs arrivant d’Allemagne, — trois beaux adolescents vêtus de manteaux écarlates, — descendirent à l’hôtel du vicomte, qui les reçut comme trois fils chéris.

La pauvre femme qui s’était entretenue avec lui le matin avait pro-