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ces joyeux enfants qui se divertissent ici près vous demanderont la carte, vous serez une demi-heure à faire l’addition.

— Ça se peut, répondit Pierre, dont l’œil était rayonnant.

En ce moment même, la sonnette du cabinet où nos quatre personnages étaient réunis se prit à retentir.

— La carte à payer ! cria Franz à travers la porte.

— Le petit coquin est exact ! grommela l’Arménien entre ses dents ; mon ami Pierre, ajouta-t-il tout haut, apportez-moi mon Laffite et manœuvrez en garçon d’esprit que vous êtes.

— Mesdames, disait Franz de l’autre côté de la muraille, en toute autre circonstance, nous ne vous laisserions pas vous esquiver ainsi… mais nous avons aussi nos petites affaires.

— Rien ne presse, répondait l’enseigne.

Il ajoutait, en essayant de prendre la taille de la comtesse, qui se défendait maintenant.

— Ma belle Anna, quand vais-je vous revoir ?…

La comtesse se nommait Anna, comme madame de Laurens s’appelait Louise.

— Je ne sais, répondit-elle. Je suis bien retenue, et mon mari est sévère… le mieux serait d’oublier cette folle nuit…

Julien se récria énergiquement.

— Quant à moi, dit Franz, je ne vous demande pas quand je pourrai vous revoir, Louise.

— Ne m’aimez-vous plus ? répliqua Sara en minaudant.

— Je ne sais… ce qui est bien sûr, c’est que votre caprice à vous est déjà passé depuis longtemps.

— Quelle idée !

— Ne niez pas… cela importe si peu !… Il y a dix à parier contre un que nous ne nous reverrons jamais.

Il lui baisa la main.

— Laissez-moi vous remercier, Louise, ajouta-t-il ; je n’ai jamais vu de femme aussi jolie que vous, sauf une seule, qui ressemble aux anges… Vous avez fait comme si vous m’aimiez, et j’ai été bien heureux durant quelques jours… Merci pour la joie que vous m’avez donnée ; merci en-