Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La belle veuve rougit et remit son masque. Sara eut un malin sourire. Elle ouvrait la bouche pour continuer l’entretien, lorsqu’elle aperçut à quelques pas d’elle le jeune vicomte d’Audemer, qui regardait tous les dominos et qui cherchait en conscience.

Elle remit précipitamment son masque à son tour.

— Ah ! ah ! s’écria l’enseigne qui les découvrait en ce moment, je vous tiens, belles dames, je ne vous lâche plus !

En ces occasions, il est d’usage d’éclater de rire. Le bal masqué est une chose si gaie !

Julien, le domino noir, et le domino bleu éclatèrent de rire à l’unisson.

— Et votre beau majo, qu’en avez-vous fait, mesdames ? demanda l’enseigne, c’est un drôle de corps qui change de costume des pieds à la tête en moins de temps qu’il ne m’en faudrait à moi pour nouer ma cravate.

— Qu’entendez-vous par là ? demanda le domino noir.

— Eh pardieu ! s’écria l’enseigne, depuis que vous nous avez quittés, nous l’avons vu, Franz et moi, tantôt en Allemand, tantôt en Espagnol… Je ne désespère pas de le voir en Turc avant la fin du bal !

— Vous avez raison, dit Franz, qui arrivait en ce moment ; je viens de le voir en Arménien, plus ivre qu’un Polonais.

— Ah ! bah ! fit Julien.

— Et j’ai vu bien d’autres choses encore ! reprit Franz, mais je vous dirai mon histoire à table… Mesdames, ajouta-t-il en se tournant vers les deux sœurs, nous avons une si grande frayeur de vous perdre encore, que nous allons vous enlever.

Sara ne s’amusait plus ; elle donna son bras à Franz. Esther était habituée dès longtemps à suivre l’exemple de sa sœur, qui lui avait montré la route où elle marchait maintenant grand train et sans lisières. Elle donna son bras à l’enseigne.

La peur d’être reconnue la faisait trembler légèrement. Julien sentait contre son flanc un frémissement doux qui le transportait d’aise.

Les deux couples se mirent en marche à travers la foule, et se dirigèrent vers la sortie du bal.

Franz et Julien jetaient leurs yeux de tous côtés, mais ils n’aperçurent