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CHAPITRE XII.

DEUX DOMINOS.

L’Arménien riait toujours et se tenait les côtes en regardant notre jeune page. Celui-ci ne songeait point à se fâcher ; son étonnement profond absorbait en lui toute autre pensée. Il ouvrait de grands yeux pour contempler cet homme étrange qui se transformait comme Protée et qui semblait se multiplier au-devant de ses pas.

Et bien qu’il eût la ferme volonté de donner tout entières au plaisir les heures de cette nuit suprême, il oubliait le bal et la sirène qui l’attirait pour se creuser l’esprit et se demander où était la clef de ce mystère…

Pourquoi toutes ces métamorphoses ? Était-ce une gageure ? Ce bizarre personnage prenait-il tant de peine seulement pour se divertir ?

Ou bien avait-il un but sérieux ? et quel était ce but ?

Les curieux qui s’étaient groupés autour de l’Arménien avaient entamé avec lui une lutte de paroles bouffonnes, M. le comte de Mirelune demandait des dommages-intérêts pour son nez écrasé. Ficelle, le mélancolique, cherchait des choses très-drôles et ne trouvait que les vieux calembours de la Bouteille de Champagne, vaudeville en un acte et mêlé de couplets, représenté pour la première fois au théâtre des Nouveautés, le 2 avril 1827. L’Arménien, au contraire, jouait de la langue passablement. Franz mesurait la distance qui existait entre cette joyeuse face de buveur et la