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— Aussi sainte que belle ! déclama Julien ; c’est connu !…

Franz le regarda en dessous, comme s’il eût fait effort pour retenir un éclat de rire.

— Aussi sainte que belle ! répéta-t-il ; en vérité, vous l’avez dit, Julien… et malgré cela, ce diable de domino noir m’a ensorcelé !

— La sainte est-elle au bal masqué ? demanda l’enseigne.

— Fi ! répliqua Franz. Je vous dis que c’est une douce enfant, Julien… un cœur d’ange comme vous vous représentez votre sœur, ou votre mère au temps où elle était jeune fille…

Ce qu’on voyait du visage de Franz sous son masque de velours, était coloré vivement. Il détourna la tête et garda, durant quelques secondes, l’attitude embarrassée de l’homme qui craint d’en avoir trop dit.

Mais Julien d’Audemer n’avait rien compris au delà de ses paroles, et ne prenait point garde à son trouble.

— Voilà que sans le vouloir vous renouvelez tous mes remords, dit-il ; je suis encore un écolier, Franz !… En arrivant, j’ai vu sur les murailles l’affiche de ce diable de bal, et au lieu de me rendre chez ma mère qui m’attend, je me suis costumé du mieux que j’ai pu en descendant de voiture… Dites-moi, Franz, Denise est-elle toujours bien jolie ?…

— Adorable ! répondit Franz à demi-voix.

— Et ma mère compte-t-elle toujours la marier au chevalier de Reinhold ?…

Franz baissa la voix encore davantage.

— J’ai entendu parler de cela, répliqua-t-il ; mais je n’y ai jamais cru. Mademoiselle d’Audemer est si belle et le chevalier est si vieux !

— Mais non, dit Julien, il a tous ses cheveux…

— Une perruque !…

— Toutes ses dents…

— Un râtelier !…

— Il est frais comme une rose…

— Du fard !…

— Sa taille est bien prise…

— De l’étoupe !…

— Et il est riche à millions.