Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme jeune encore, d’une figure remarquablement belle et dont la physionomie pétillait de gaieté. Il portait un brillant costume de majo à mille boulons d’argent, avec l’écharpe frangée et l’inévitable résille.

Les dames qu’il avait arrêtées et qu’il semblait entretenir vivement, étaient reconnaissables, non-seulement par les couleurs de leurs dominos, mais aussi par la différence de leurs tailles.

Le domino noir était tout petit, tout gracieux, tout mignon. Le domino bleu avait une tournure imposante ; les plis indiscrets du satin laissaient deviner une taille riche et irréprochable.

— Ce sont bien elles, dit Franz ; — un effort !… je suis fou de cette femme et cet homme m’intrigue… il faut les rejoindre.

Julien ne demandait pas mieux.

— Parbleu ! s’écria-t-il, moi aussi je suis fou !… Voyez, Franz ! c’est la reine du bal !… Si c’est à elle que ce coquin de majo fait la cour, nous allons rire !…

Ils se frayèrent un passage à grand’force. Au contraire de ce qui aurait eu lieu sur le pont d’un navire, l’enseigne jouait des coudes et Franz gouvernait.

Ils avançaient difficilement. À moitié route, ils virent leurs deux dames prendre chacune un bras du majo et disparaître dans le corridor qui mène à la salle.

Ils s’arrêtèrent désappointés.

— Nous sommes collés, dit Julien qui savait jouer au billard.

— Il y a dix à parier contre un, ajouta Franz, que nous ne les reverrons pas de sitôt… Si nous prenons le même chemin qu’elles, ça pourra même durer toute la nuit… le plus sûr est de sortir par la porte opposée et d’aller à leur rencontre… Au petit bonheur !…

— Soit, répliqua l’enseigne. Je suis sûr que la mienne est belle comme un ange !

— Et la mienne donc ! s’écria Franz ; figurez-vous, Julien, ajouta-t-il en rougissant légèrement, que je suis amoureux, amoureux sérieusement et pour toute ma vie…

— Ah ! bah ! fit le jeune vicomte, du domino noir ?…

— Pas du tout… d’une jeune fille qui est aussi pure que jolie !…