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à sept heures, dans les fourrés qui sont à droite de la porte Maillot… on dit que c’est un bon endroit… Mon cher maître, quand on ne peut plus disposer que de sept heures, on devient avare de son temps… pardonnez-moi si je vous quitte avec tant de brusquerie.

Il boutonnait rapidement sa redingote, qui dessinait sa taille élégante et souple.

Rodach écoutait d’une oreille avide et notait chacune de ses paroles au fond de sa mémoire.

— Souvenez-vous bien, dit Grisier résumant sa leçon : mettez-vous en garde à distance, de manière à ce que votre pointe touche à peine celle de votre adversaire… marchez, parez en marchant, ripostez et rompez de suite !

— Je sais tout cela, répondit Franz ; cette nuit je vais tâcher de l’oublier pour m’en souvenir au point du jour.

— Vous feriez mieux, d’y songer… commença Grisier.

— Non, non, répliqua Franz ! je veux ma nuit tout entière… Et si ma nuit n’était pas prise, ajouta-t-il plus bas, ce ne serait pas à cela que je songerais !

La pensée revenue de mademoiselle d’Audemer mit de la mélancolie dans son sourire.

Il étouffa un gros soupir et tendit la main à Grisier.

— Adieu et grand merci ! mon cher professeur, dit-il ; si j’ai du bonheur demain matin, je viendrai vous conter l’aventure… Si vous ne me revoyez pas…

Sa phrase inachevée se ponctua par un geste tout plein d’insouciance.

Il se dirigea vers la porte. Grisier le suivait malgré lui et sans savoir ce qu’il faisait.

Lui ! le maître d’armes émérite, qui avait vu la mort suspendue sur tant de têtes, il était ému jusqu’à sentir ses yeux battre et sa voix trembler dans son gosier.

— Souvenez-vous ! répétait-il machinalement : varier les contres pour ne pas laisser deviner votre jeu… ne marchez jamais sans avoir une parade toute prête…

Franz avait dépassé le seuil.