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La salle se vidait lentement, et si les suppositions allaient leur train, c’était à voix basse ou une fois la porte passée.

Une bonne partie des assistants s’était retirée déjà, lorsque la porte s’ouvrit et donna passage à un nouvel arrivant.

Il entra délibérément et comme un homme connaissant les êtres de la salle. Il tourna court au sortir du petit couloir, passa derrière Franz sans exciter l’attention, et disparut sous les rideaux du vestiaire.

Cet homme était enveloppé dans un grand manteau, dont les collets relevés lui cachaient le visage. Une fois dans le vestiaire, il s’assit sur un tabouret et demeura immobile.

À travers les intervalles des rideaux, ses yeux se fixèrent sur le jeune Franz, qui continuait de prendre sa leçon.

— Êtes-vous fatigué ? demandait encore Grisier en ce moment.

— Non, répondait Franz, dont la main semblait être devenue de fer.

Dans la salle, cependant, il faisait une chaleur étouffante, et derrière les rideaux, cette chaleur était encore augmentée par le poêle embrasé.

Le nouveau venu rabattit les collets de son manteau pour respirer à l’aise. Eugène, qui s’habillait en ce moment, à ses côtés, lui tendit la main comme à une vieille connaissance et le salua du nom de baron de Rodach.

— Voilà longtemps que vous n’étiez venu à la salle ? dit-il.

— J’ai voyagé, répondit le baron.

Puis il se remit à contempler le jeune Franz par la fente des rideaux entr’ouverts.

Franz commençait enfin à sentir la fatigue. Il baissa son fleuret et secoua sa main endolorie.

— Vous allez me lasser avant que je sache attaquer. Monsieur !… dit-il.

— Patience ! répliqua Grisier, nous avons jusqu’à demain matin.

— Non pas ! interrompit le jeune homme vivement ; j’ai, ma foi, bien d’autres choses à faire cette nuit !…

Il n’y avait que deux ou trois retardataires dans la salle, et autant derrière le rideau.

Grisier fit asseoir Franz sur le divan non élastique qui règne le long de la muraille.